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Une relation entre une entreprise et un investisseur n’en est pas une purement économique.
Une relation entre une entreprise et un investisseur n’en est pas une purement économique. (123rf)

Plusieurs entreprises devront un jour ou l’autre se présenter devant un investisseur pour obtenir du financement, que ce soit pour un projet, pour gérer une croissance ou pour développer de nouveaux produits. Des panélistes en ont discuté lors de la deuxième édition d’Innovacet qui s’est tenue à Orford. Voici cinq choses à savoir quand on est à la recherche de financement.

1. Avoir un bon alignement des valeurs

Une relation entre une entreprise et un investisseur n’en est pas une purement économique.

«Un investissement, c’est un mariage, indique Philippe Beauchamp, cofondateur et président d’Ugowork qui a récemment levé 22,8 millions de dollars avec notamment le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec. Il y a vraiment beaucoup d’investisseurs et il faut que les visions soient alignées. Ça peut créer une famille merveilleuse ou très mal tourner.»

Philippe Beauchamp, cofondateur et président d’Ugowork
Philippe Beauchamp, cofondateur et président d’Ugowork (Jocelyn Riendeau/La Tribune)

Il faut que l’investisseur et l’entreprise aient la même vision sur l’utilisation des fonds ou la direction que souhaite prendre l’entreprise.

«Il faut avoir des actionnaires qui comprennent que ça prend un certain temps pour bâtir une notoriété, poursuit M. Beauchamp. Il y a des investisseurs qui ont un horizon de sortie plus court, par exemple 5 ou 7 ans. Si votre vision, c’est de créer un empire et que ça va prendre du temps à accomplir, c’est bien de s’entourer d’investisseurs qui sont là pour le long terme.»

Marie-Hélène David est présidente et fondatrice de l’entreprise Myni dans la région de Québec. Elle vient de conclure une première ronde de financement s’élevant à 2,8 millions de dollars.

«C’est une relation d’affaires, mais aussi entre deux individus, mentionne-t-elle. L’investisseur a autant besoin d’investir qu’on a besoin d’argent pour continuer à croître et c’est de se respecter là-dedans. De me faire appeler « cocotte » ou « ma belle », c’est inacceptable et ça arrive encore vraiment souvent.»

2. Savoir dans quoi on s’embarque

Un entrepreneur ne se lève pas un matin et décide de lever plusieurs millions de dollars. La réalité est beaucoup plus nuancée.

Marie-Hélène David est présidente et fondatrice de l’entreprise Myni.
Marie-Hélène David est présidente et fondatrice de l’entreprise Myni. (Jocelyn Riendeau/La Tribune)

«C’est un emploi à temps plein, explique Marie-Hélène David. Si vous voulez lever une ronde, mais que vous êtes déjà surchargé, il faut libérer son horaire et revoir les tâches dans l’équipe.»

«Trois entrepreneurs sur quatre que je rencontre n’ont pas une compréhension claire s’ils doivent lever du capital de risque ou non, mentionne pour sa part Geneviève Tanguay, PDG d’Anges Québec, un regroupement d’investisseurs qui a investi, depuis sa création en 2007, 149 millions de dollars dans près de 200 entreprises. C’est une mauvaise idée de lever de l’argent si ce n’est pas clair si ce parcours-là est pour vous. Ça ne s’adresse peut-être pas à votre type d’entreprise ou votre secteur.»

3. Avoir un bon avocat

Les concepts financiers et les documents à remplir peuvent rapidement devenir une montagne indéchiffrable pour un entrepreneur.

«Une erreur que j’ai faite, c’est de ne pas avoir un bon avocat dans le dossier dès le départ, admet Marie-Hélène David. Parfois, on pense qu’on n’a pas d’argent, mais ça existe des directeurs financiers à temps partiel qui peuvent être là juste un moment pour s’assurer que le dossier est bien monté dès le départ. C’est par la suite beaucoup plus facile pour les investisseurs de regarder et de bien analyser le dossier. Ça peut même rétrécir la durée de la ronde.»

«Si tu veux te lancer dans une ronde de financement, ça prend quelqu’un qui connaît ça, renchérit Philippe Beauchamp. Si tu t’improvises là-dedans, ça va être détecté très rapidement. Si ça paraît que l’entrepreneur ne maîtrise pas bien le processus, c’est un red flag. Un bon conseiller juridique, c’est essentiel.»

4. Être concis

Annick Charbonneau est cofondatrice et associée directrice d’Accelia Capital. Elle rencontre plus de mille entrepreneurs par année, mais seulement une fraction de ceux-ci obtiendront du financement.

«On n’a pas beaucoup de temps et notre temps d’attention est court, mais ce n’est pas parce qu’on n’a pas beaucoup d’intérêts pour vous ou votre entreprise, explique-t-elle. C’est juste que notre volume est important. Plus vous êtes concis et plus vous arrivez avec des questions pour nous, plus on développe une affinité et plus les chances d’avoir un investissement sont bonnes.»

Geneviève Tanguay, PDG d’Anges Québec
Geneviève Tanguay, PDG d’Anges Québec (Jocelyn Riendeau/La Tribune)

«Vous avez environ quatre minutes pour dire à un investisseur que votre solution est la bonne, ajoute Geneviève Tanguay. Ayez un langage simple, assurez-vous d’avoir 6 ou 7 versions de votre pitch, une d’une heure et une de trois minutes pour être capable d’ajuster. Sur 100 dossiers regardés, on investit dans un ou deux, donc préparez-vous à vous faire dire non.»

Pour Sophie Forest, directrice associée chez Brightspark Ventures, il est important de bien expliquer la nature même de l’entreprise.

«Parfois, ça prend 15 minutes avant qu’une entreprise nous explique ce qu’elle fait et même parfois elle ne l’explique même pas, déplore-t-elle. C’est important de capter l’attention au début. Commencez avec: mon entreprise fait ça, je suis unique à cause de ça et c’est là que je m’en vais. C’est très important pour nous.»

5. Les investisseurs ne sont pas juste un chèque

Une première rencontre entre une entreprise et un potentiel investisseur ressemble beaucoup à un premier rendez-vous romantique selon Annick Charbonneau.

Annick Charbonneau est cofondatrice et associée directrice d’Accelia Capital.
Annick Charbonneau est cofondatrice et associée directrice d’Accelia Capital. (Jocelyn Riendeau/La Tribune)

«Je ne vais pas leur signer un chèque d’un million immédiatement, explique-t-elle. Il va falloir qu’on apprenne à se connaître. Si l’entrepreneur fait son pitch, mais il ne pose aucune question alors que le but c’est d’apprendre à se connaître pour voir si nos valeurs concordent ensemble et voir si on va être capable de bien travailler ensemble pendant 5 ou 10 ans, ça va finir par être une relation unilatérale. On n’est pas juste un chèque, on est des êtres humains.»

L’investisseuse Sophie Forest invite les entrepreneurs à venir les voir lors des événements de réseautage.

«Notre emploi, c’est de trouver de belles entreprises et parfois les entrepreneurs sont gênés et n’osent pas venir nous voir dans un cocktail par exemple, résume-t-elle. Mais faites-le. C’est sûr qu’on n’a pas nécessairement beaucoup de temps et qu’on voit des centaines d’entreprises, mais on aime rencontrer des entrepreneurs. Et même si ce n’est pas un bon fit à ce moment-ci, ça ne veut pas dire que ce ne sera pas un fit dans le futur.»