Yan Quirion | Université de Sherbrooke | Lire l’article original

Qui pourrait imaginer que son projet d’études vienne en aide à des milliers de personnes ayant un traumatisme crânien? C’est le défi qu’a osé relever Simon Lapointe, étudiant à la maîtrise en génie mécanique, en créant une plaque de fixation crânienne dynamique.

Le projet est né lorsqu’il était en stage, dans le cadre du programme de stage en génie biomédical du Fonds de la Famille Jean Morin. Il est l’aboutissement d’une collaboration renouvelée entre la Faculté de génie (baccalauréat en génie mécanique et le laboratoire du professeur-chercheur Denis Rancourt) et la Faculté de médecine et des sciences de la santé (laboratoire de neurochirurgie du professeur-chercheur Christian Iorio-Morin et laboratoire d’anatomie).

Félix Dumais, B.Ing., M.Sc.,Simon Lapointe, étudiant à la maîtrise en génie mécanique, le professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, neurochirurgien, et Cédric Dessureault, étudiant à la maîtrise en génie mécaniquePhoto : Fournie

Félix Dumais, B.Ing., M.Sc.,Simon Lapointe, étudiant à la maîtrise en génie mécanique, le professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, neurochirurgien, et Cédric Dessureault, étudiant à la maîtrise en génie mécanique

Une plaque qui s’adapte à l’enflure du cerveau tout en le protégeant

L’objectif de cette nouvelle technologie est simple : diminuer les complications postopératoires des patientes et patients qui subissent une craniectomie décompressive. Cette intervention chirurgicale a pour but de diminuer la pression intracrânienne en retirant une partie du crâne, ce qui augmente ainsi l’espace dans la boîte crânienne afin de permettre l’enflure du cerveau.

Dans la chirurgie conventionnelle, une partie de la boîte crânienne est retirée d’urgence et entreposée au congélateur jusqu’à ce que la pression du cerveau redevienne normale. Quelques semaines plus tard, on replace la partie osseuse en la fixant à l’aide de plaques rigides. Ce sont justement ces plaques qui ont été améliorées : au lieu d’être rigides, Simon Lapointe et le professeur-chercheur Iorio-Morin ont créé un concept de plaques qui se veulent dynamiques. Leur mouvement permet donc à la boîte crânienne de suivre l’expansion du cerveau lors de périodes d’inflammation et de reprendre sa place au point neutre lorsque la pression diminue. Grâce à cette avancée, le crâne n’a plus à être retiré, et une seule chirurgie est nécessaire au lieu de deux.

Simon Lapointe en compagnie du professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, lors des essais.

« Cette nouvelle technologie permettra, nous l’espérons, de réduire le temps de convalescence, le nombre d’interventions chirurgicales, le temps et les coûts liés à cette opération, sans compter les risques de complications qui devraient diminuer grandement! Et contrairement à la chirurgie traditionnelle, le cerveau est protégé immédiatement après l’installation de ces plaques. »

– Simon Lapointe, étudiant à la maîtrise en génie mécanique

Rappelons que la craniotomie décompressive s’avère efficace pour traiter et sauver la vie des patientes et patients ayant des lésions cérébrales traumatiques, des hémorragies sous-durales, ou des AVC.

Nouvelle plaque dynamique

  • Une seule intervention chirurgicale
  • Une seule convalescence
  • Une protection complète dès l’installation
Plaque rigide traditionnelle

  • Deux interventions chirurgicales, doublant les coûts et le temps d’occupation d’une salle d’opération et des soins intensifs
  • Deux convalescences, augmentant les risques de complications
  • Plusieurs semaines avec un cerveau exposé et à risque

Une technologie éprouvée lors d’essais

La technologie a été développée en laboratoire en utilisant une multitude d’outils de modélisation 3D et d’analyse par éléments finis. Les propriétés mécaniques des prototypes ont été testées en laboratoire avec de l’équipement de pointe.

Pour passer de la théorie à la pratique, des tests ont été menés au laboratoire d’anatomie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS). Le professeur-chercheur Iorio-Morin a pu effectuer la chirurgie complète, telle qu’elle serait réalisée en urgence dans un bloc opératoire. Ces tests avaient pour but de valider l’installation et la capacité dynamique des plaques de fixation. Des scans postopératoires ont été réalisés dans différentes conditions de pression intracrânienne afin de visualiser, en trois dimensions, le comportement du système. Les résultats seront publiés prochainement, mais dépassent déjà largement les attentes.

« Les tests effectués démontrent la nécessité et la pertinence de cette nouvelle technologie dans notre pratique. Avec cette avancée, nous tentons de faire évoluer le concept de la craniectomie décompressive vers une intervention dynamique plutôt qu’une décompression passive. Ce projet est le résultat direct d’une collaboration étroite entre la Faculté de génie, la FMSS et le Centre de recherche du CHUS. Rien ne serait possible sans l’intégration des expertises spécifiques de ces trois instances. C’est vraiment une force unique à Sherbrooke. »

– Professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, neurochirurgien

Simon Lapointe, Félix Dumais et le professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, utilisant un tomodensitomètre afin de modéliser l’expansion des plaques installées.Photo : FournieSimon Lapointe, Félix Dumais et le professeur-chercheur Christian Iorio-Morin, utilisant un tomodensitomètre afin de modéliser l’expansion des plaques installées.
Ces tests auront permis, entre autres, de :

-Valider la conception théorique de la plaque;

-Confirmer la pertinence d’une telle plaque pour les patients;

-Améliorer le protocole d’installation pour les neurochirurgiens;

– Avancer le processus d’homologation de la plaque auprès de Santé Canada et de la Food and Drug Administration (FDA), étape ultime avant sa mise en marché.

Afin de passer de laboratoires universitaires à l’application clinique réelle, Simon Lapointe a décidé de lancer une compagnie, EncephalX, qui mènera le processus d’homologation de l’invention et dirigera sa commercialisation. Il s’agit d’un bel exemple d’entrepreneuriat qui s’ajoutera à l’écosystème de startups émanant de l’Université de Sherbrooke.

Les origines du projet

Cette réalisation prend sa source en 2019 lorsque le professeur-chercheur Iorio-Morin eut l’idée d’ouvrir des stages coopératifs en génie afin d’aider à résoudre des problématiques vécues en milieu hospitalier, plus particulièrement au bloc opératoire ou aux soins intensifs. Le financement de ces stages provient du Fonds Famille Jean Morin, qui offre aussi des bourses visant à reconnaître l’excellence scolaire ainsi que l’implication sociale d’une étudiante ou d’un étudiant de 1er, 2e ou 3e cycle en génie.