«Dream s’adresse aux enfants de cinq ans et plus pour la gestion de la douleur et de l’anxiété pendant une procédure douloureuse.» (Photo: courtoisie)
Enfiler un casque de réalité virtuelle pour se divertir, c’est bien. S’en servir pour réduire le stress, l’anxiété et le recours aux médicaments, c’est mieux. Voilà le principe à la base de Paperplane Therapeutics, qui conçoit des jeux thérapeutiques en réalité virtuelle.
Jean-Simon Fortin, médecin urgentologue de formation et cofondateur de l’entreprise, répond aux questions de Les Affaires.
Les Affaires: Qu’est-ce qui vous a poussé à fonder votre entreprise?
Jean-Simon Fortin: C’est parti d’un projet de recherche que j’ai fait alors que j’étais résident en médecine. Je me suis intéressé aux différentes technologies qui existaient pour réduire la douleur et l’anxiété. À ce moment-là, la réalité virtuelle était encore très expérimentale. La technologie n’était pas tout à fait prête, mais ça allait vers une commercialisation, notamment avec Oculus, qui sortait des produits pour le grand public.
Au terme de ce projet, j’ai vu le potentiel. Je croyais que Montréal avait tout ce qu’il faut pour développer cette technologie, entre autres avec le secteur du jeu vidéo et du multimédia. C’est comme ça que j’ai rencontré mon cofondateur, David Paquin, qui est professeur à l’UQAT en création et nouveaux médias.
Dans ma pratique, tant comme résident que dans mes premières à l’urgence de l’Hôpital Sainte-Justine, je voyais aussi qu’il y avait malheureusement trop peu de solutions pour adresser correctement la douleur et l’anxiété des patients à l’hôpital.
L.A. : Quels défis avez-vous rencontrés de l’idéation à la mise en marché?
J.S.F. : Ce n’est qu’une suite de défis! Il y a plusieurs défis technologiques, par exemple. La réalité virtuelle fonctionne très bien parce que ça a un effet stimulant sur le cerveau. C’est ce qu’on recherche pour bloquer les stimuli douloureux du patient. Mais ça a le potentiel d’avoir des effets secondaires, qu’on appelle des cybermalaises.
Il fallait trouver comment créer des expériences engageantes et confortables. Il ne fallait pas que ça gêne le personnel dans la salle et, surtout, il fallait que ce soit efficace. Tout le processus des études cliniques est long et quand même complexe. C’est là où a eu la chance de collaborer avec Sylvie Le May, professeure-chercheure à Sainte-Justine en douleur pédiatrique. Au fil des années, on a réussi à démontrer l’efficacité de la technologie.
Même si c’est un produit qui fonctionne et que les gens aiment, la commercialisation amène son lot de défis. Vendre à des hôpitaux peut être long. On est heureux maintenant que des hôpitaux en ont fait l’acquisition et que des patients s’en servent tous les jours.
L.A. : Comment fonctionnent vos trois outils?
J.S.F. : Dream s’adresse aux enfants de cinq ans et plus pour la gestion de la douleur et de l’anxiété pendant une procédure douloureuse. C’est le produit avec lequel on a commencé, qui a été utilisé pendant la campagne de vaccination sur plus de 50 000 enfants. Il est approuvé par Santé Canada. On a une nouvelle version qui sortira cette année. Celle-ci utilise seulement le mouvement des yeux pour accommoder certaines procédures plus complexes, où le patient ne peut pas bouger du tout.
Imagine prépare les enfants de 5 à 17 ans avant l’imagerie par résonance magnétique en leur faisant vivre une IRM en réalité virtuelle. Ça permet de réduire l’anxiété, la peur et la sédation, et de vérifier s’ils sont aptes à faire cet examen. Il est en étude clinique actuellement.
Inspire est une solution qui s’adresse davantage aux adolescents et aux adultes. On modifie le casque de réalité virtuelle pour être capable de capter la respiration du patient. On lui fait faire des exercices de respiration profonde. On peut les coacher pour s’assurer que le rythme est bon et que l’effet thérapeutique est optimal. Il fait l’objet d’un projet pilote en santé mentale à l’Hôpital d’Alma, en partenariat avec Telus. On a de grandes visées pour ce produit. On espère avoir des versions pour l’oncologie, l’hémodialyse, les soins palliatifs. Le contenu sera spécifique à la trajectoire de soins de ces patients.
L.A. : Quelle sera la suite?
J.S.F. : On a beaucoup développé pendant la pandémie parce que c’était super difficile d’avoir accès aux clients et de s’engager dans une démarche de vente. On a eu la chance d’aller chercher du financement. Aujourd’hui, on est satisfait de notre offre de produits. Maintenant, il faut commercialiser ce qu’on a et grandir le nombre d’hôpitaux qui les utilisent. On a aussi un produit pour les procédures dentaires qui sort cet été. On a très hâte. Les essais avec le prototype sont prometteurs.