À Québec en 2012, une seule tour de refroidissement contaminée par la lésionnelle a infecté 181 personnes et a causé la mort de 13 d’entre elles. Cette situation, qui a nécessité une enquête d’envergure, a mené en 2014 à l’adoption par le gouvernement provincial d’une nouvelle réglementation sur les tours de refroidissement de l’eau des immeubles, où la bactérie peut s’accumuler et être projetée dans l’air ambiant. En 2017 à Granby, neuf personnes ont été atteintes de la légionellose. Si personne n’en décède, n’empêche que la Santé publique de l’Estrie a travaillé d’arrache-pied pour en trouver la cause… en vain.
Et s’il existait un appareil capable de détecter rapidement et automatiquement dans les tours de refroidissement le taux de présence de la légionelle, cette bactérie responsable de causer la légionellose, une infection pulmonaire potentiellement mortelle chez les humains?
Cet appareil existe maintenant — il s’agit du BioAlert, créé par la jeune entreprise sherbrookoise SpiBio.
L’idée de l’appareil est née sur un comptoir de cuisine, quelque part en 2010, grâce aux expertises de deux colocataires. En effet, Étienne Lemieux terminait son doctorat en biologie cellulaire, alors que son colocataire Dominic Carrier terminait sa maîtrise en génie électrique. Quels sont donc les liens entre biologie cellulaire et génie électrique? Dans la pratique courante, voilà deux disciplines assez peu utilisées dans un même projet.
Mais pour créer un appareil capable de traiter de façon automatisée le taux de légionelle dans l’eau, c’était le maillage parfait!
« Nous avons eu beaucoup de discussions ensemble et nous avons eu cette idée », dit Étienne Lemieux.
« C’est de l’expertise de biochimie couplée à de l’ingénierie. Nos deux expertises nous ont permis de réfléchir out of the box », ajoute-t-il.
Il aura fallu quatre années avant de lancer l’entreprise SpiBio qui a négocié quelques virages serrés avant d’avoir le vent dans les voiles aujourd’hui.
Après un travail aussi acharné que passionné, c’est en 2017 que les deux amis et partenaires d’affaires ont pu faire leurs premières validations technologiques grâce à des partenaires chez qui ils ont installé le BioAlert. En 2018, la commercialisation a commencé à petite échelle. Aujourd’hui, l’équipe de travail s’agrandit et le carnet de commandes se remplit rapidement : en juillet, SpiBio compte 12 employés et des embauches se feront sous peu. Depuis un certain temps, l’entreprise s’est installée dans l’Espace LABz, un centre multilocatif géré par Sherbrooke Innopole et s’adressant aux entreprises œuvrant dans le secteur des sciences de la vie ou des technologies propres.
Le marché pour le BioAlert est immense. Au Québec, il y aurait 2600 tours de refroidissement. Aux États-Unis, il y en aurait entre 250 000 et 300 000.
Il y a les tours de refroidissements dans de nombreuses tours résidentielles et le marché est important, mais pour commencer, c’est au marché commercial que SpiBio va s’attaquer.
« Le commercial est plus facile, car les gestionnaires connaissent les coûts importants reliés à la fermeture d’une tour de refroidissement dans une usine par exemple », soutient Étienne Lemieux.
L’intérêt pour le produit sherbrookois — et dont une majorité de fournisseurs sont canadiens — commence à se faire sentir de la part de plusieurs clients qui ont un grand rayonnement avec plusieurs installations partout dans le monde.
Alors l’avenir est rayonnant pour les deux complices et partenaires d’affaires.
Un avenir chargé de très nombreux défis cependant. « Nous avons la chance d’avoir des conjointes très compréhensives, car ce n’est pas évident de vivre avec un entrepreneur. C’est presque obsessif », remarque Étienne Lemieux.
Les deux partenaires veulent empêcher la propagation de la légionelle, quand on sait qu’une seule tour de refroidissement peut contaminer dans un rayon de trois à douze kilomètres autour d’elle. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé dans le cas de la ville de Québec en 2012.
« Nous avons trouvé un réel problème, et il est à la hauteur de notre ambition. Beaucoup de gens ont échoué avant nous. Nous, maintenant, nous sommes à déployer nos ailes », souligne Dominic Carrier en précisant que la technologie qu’ils ont développée pour détecter la légionelle pourrait être utilisée pour détecter d’autres bactéries.
« Nous avons l’ambition de créer quelque chose de plus grand que nous-mêmes », conclut M. Lemieux.