Emilie Laperrière | La Presse | Lire l’article original
Les sciences de la vie et les technologies de la santé ne s’arrêtent pas dès qu’on franchit le pont Jacques-Cartier. Le secteur se développe ailleurs dans la province, notamment à Québec et à Sherbrooke, et ces régions comptent des acteurs clés. Tour d’horizon.
Après la grande région de Montréal, Québec représente le deuxième pôle en sciences de la vie et en technologies de la santé (SVTS) de la province. Entre 125 et 150 entreprises s’activent dans cette industrie qui regroupe 9000 emplois.
« La région offre des expertises de pointe en diagnostic, entre autres avec BD Diagnostics et GSK Canada. La pandémie a donné une impulsion au secteur, mais la fermeture de Medicago a ralenti les ardeurs », admet Carl Viel, président-directeur général de Québec International.
Le deuxième volet, souvent sous-estimé, concerne la cosméceutique. « Notre objectif n’est pas d’attirer des sièges sociaux de grandes entreprises de la cosmétique, mais bien de travailler avec des entreprises qui fabriquent des ingrédients actifs », souligne le PDG.
Le sous-secteur des technologies médicales a également pris de l’expansion à Québec dans les dernières années, tout comme celui de la 3D, notamment en dentisterie et en orthopédie.
« On a la chance d’avoir trois grands centres hospitaliers dans la région. Il y a une belle synergie en sciences de la vie », se réjouit Carl Viel. Parmi les investissements récents, notons la biopharma Feldan Therapeutics, qui a terminé récemment une ronde de financement de 16,5 millions de dollars.
Un troisième acteur dynamique
Sherbrooke complète le trio québécois en SVTS. « On a un écosystème excessivement engagé et distinctif », assure Martine Courtemanche, directrice des services aux entreprises en sciences de la vie et micro-nanotechnologies chez Sherbrooke Innopole. « On n’a pas le volume d’entreprises de Montréal, mais on développe des produits ou des médicaments prometteurs qui permettent aux entreprises de la région de se démarquer », ajoute-t-elle.
« Nous sommes dans un écosystème assez gros pour développer des innovations et assez petit pour les réaliser tous ensemble. »
-Martine Courtemanche, directrice des services aux entreprises en sciences de la vie et micro-nanotechnologies chez Sherbrooke Innopole
Le secteur regroupe actuellement 66 entreprises et plus de 3000 emplois en Estrie. Universitaires, chercheurs, hôpitaux et entreprises travaillent main dans la main. Les sous-secteurs des produits pharmaceutiques, des dispositifs médicaux et des soins de santé numériques connaissent une bonne croissance dans la région.
La venue d’Espace LABz, en 2017, a permis de retenir et d’attirer des entreprises à Sherbrooke avec 13 millions en impact pour l’économie régionale par année. Le bâtiment multilocatif scientifique comprend 20 laboratoires, 18 bureaux et un laboratoire commun.
À la recherche de financement
Partout au Québec, le financement est le nerf de la guerre. « Pour chaque dollar investi en commercialisation au Canada, les États-Unis investissent 6 $, rappelle la spécialiste. On a besoin d’investissements beaucoup plus significatifs pour percer les marchés visés. »
Pour Luc Paquet, président et chef de la direction d’Immune Biosolutions, le financement représente le principal obstacle, surtout dans les étapes de développement préclinique et clinique. À titre d’exemple, les études de l’entreprise sherbrookoise pour son traitement de la COVID-19 ont jusqu’à présent nécessité des investissements de 25 millions.
La pandémie a donné un coup de fouet à cette société spécialisée en immunothérapies. La biotech a en effet mis au point le premier traitement par inhalation d’anticorps contre la COVID-19. Celui-ci agit directement sur les poumons affectés par le virus, en leur donnant des anticorps sous forme de brouillard.
« C’est un marché qui se développe, notamment pour les personnes immunosupprimées », précise-t-il.
La suite des choses
Sans entrer dans les détails, Luc Paquet confie qu’Immune Biosolutions a signé une entente avec une entreprise de Boston dans les six derniers mois. Cela lui a permis d’améliorer son anticorps le plus performant. Le patron espère que le traitement amélioré verra le jour d’ici trois ans.
En attendant, l’équipe concentre ses efforts sur le produit actuel, qui a terminé la deuxième phase d’essais cliniques. Des discussions sont en cours avec Santé Canada pour commercialiser le traitement « le plus rapidement possible ».
Immune Biosolutions développe aussi des traitements contre le cancer, dont les leucémies pédiatriques. À cet égard, elle s’est alliée avec des partenaires en capital de risque et le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine pour lancer en juin une petite entreprise nommée Neomabs. « Pour nous, la croissance passe par des partenariats stratégiques », remarque Luc Paquet.
Après six ans dans les locaux d’Espace LABz – et des projets plein la tête –, l’entreprise de 27 employés songe désormais à voler de ses propres ailes. Pas question, toutefois, de quitter la région de Sherbrooke. « Outre la qualité de vie, notre personnel est précieux. On ne veut pas le perdre. »