Simon Roberge | La Tribune

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Les technologies quantiques ne sont même pas encore implantées à grande échelle qu’une entreprise de Sherbrooke tente de les rendre sans fil. Qubic travaille en ce moment sur un tout nouveau type de signal qui pourrait changer la donne au niveau des communications.

Le principe de base de la jeune pousse sherbrookoise est de créer un signal qui arrive à outrepasser tout le « bruit » créé par les ondes de nos nombreux appareils électroniques.

« L’électronique conventionnelle est assez bruyante, explique Jérôme Bourassa, fondateur et PDG de Qubic. Si on veut envoyer un signal et récolter l’écho, il faut émettre un signal très fort pour espérer qu’il puisse se rendre et revenir. On fait donc juste continuellement rajouter du bruit et il y a déjà une foule de signaux dans l’environnement. C’est comme être dans un bar et essayer d’avoir une discussion avec quelqu’un. »

« Ce que l’électronique quantique permet de faire, c’est de générer des signaux avec une très grande pureté, poursuit-il. On est aussi capable de créer une copie conforme de ce signal et de le garder en banque pour aisément authentifier les messages. Et même si on fonctionne bien en deçà du niveau de bruit, on peut détecter le message. Ça nous donne des possibilités qu’on n’avait pas avant comme d’envoyer des communications secrètes sans que personne ne le sache. Non seulement le message ne pourrait pas être intercepté, mais il serait impossible de déterminer d’où il est parti. »

Les applications concrètes de cette technologie pourraient être par exemple un réseau de communication interne d’une entreprise qui souhaite sécuriser ses secrets industriels. Les applications militaires pour la détection radar sont aussi nombreuses. Ne demandez toutefois pas cette technologie la prochaine fois que vous irez changer de cellulaire.

« Ce qu’on vise en premier ce sont des applications à courte portée, indique Jérôme Bourassa. On n’envisage pas pour l’instant le marché de commodités. Mais avec le raffinement technologique dans les prochaines années peut-être. On est loin d’avoir quelque chose de compact, mais rien n’empêcherait par exemple une tour cellulaire quantique, avec des équipements de contrôle et de réfrigération, qui partage de l’information avec des appareils qui n’ont pas besoin d’être quantiques.»

Cette technologie pourrait aussi servir pour les satellites selon M. Bourassa.

« Avec les changements climatiques, on a besoin d’avoir des données satellitaires plus précises pour pouvoir déceler des détails plus fins comme l’épaisseur du couvert de la neige ou l’envergure des zones inondables. Avec la microélectronique quantique et les supraconducteurs, ça nous donne plus d’outils pour avoir de meilleurs signaux et faire des systèmes de télédétection et de télécommunication plus robustes. »

Un premier prototype

Qubic possède un prototype fonctionnel de sa technologie à l’Université de Waterloo.

« On a réussi à démontrer un gain quantique dans la détection d’objets, résume Jérôme Bourassa. Nos premiers tests démontrent qu’on est 10 fois plus performant qu’un système radar conventionnel. On planifie maintenant pour les cinq prochaines années. On va travailler pour le rendre mobile et plus compact. »

Le quantique, c’est quoi au juste?

À sa plus simple définition et résumé très sommairement, la théorie quantique est la théorie qui traite du comportement des objets physiques au niveau microscopique comme les atomes, les noyaux ou les particules.

Le monde quantique est aussi un monde où les lois sont différentes. L’intrication quantique permet par exemple à deux particules jumelles d’agir l’une sur l’autre et ce peu importe la distance qui les sépare. La fluctuation quantique du vide décrit quant à elle la création spontanée de particules.

« La nature a horreur du vide et à des températures très basses dans un environnement vide, il y a des photons qui se créent spontanément, explique Jérôme Bourassa, PDG et fondateur de l’entreprise Qubic. On va donc chercher ce photon qui arrive de nulle part et on a un supraconducteur qui a les capacités de pouvoir prendre ce photon et de le splitter en deux jumeaux parfaitement identiques. »

C’est donc la compréhension de ces phénomènes qui amènent les nouvelles découvertes notamment en ce qui concerne les matériaux quantiques, dont les supraconducteurs, qui perdent toute résistance électrique à basse température, sont peut-être le meilleur exemple.