Jacynthe Nadeau | La Tribune
Les affaires vont bien pour Ozero Solutions. La technologie développée par des étudiants de l’Université de Sherbrooke pour décontaminer les embarcations nautiques sera utilisée aux abords d’au moins quatre plans d’eau de l’Estrie, cet été, dont les lacs Memphrémagog, Magog et Lovering grâce à un projet pilote mené avec la Ville de Magog.
« Les embarcations seront nettoyées plus en profondeur et de manière écologique tout en permettant d’accélérer la lutte contre les espèces aquatiques envahissantes », se réjouit la mairesse Vicki-May Hamm.
« Il est certainement plus facile et plus économique de prévenir leur prolifération que de les éradiquer une fois qu’elles se répandent dans nos plans d’eau. Et par la même occasion, la Ville encourage le démarrage d’une entreprise pilotée par de jeunes professionnels qui ont beaucoup d’avenir », ajoute-t-elle.
C’est l’été dernier que le groupe de six étudiants en génie mécanique a établi un premier contact avec la Ville de Magog. Les étudiants cherchaient un site où tester leur station mobile de décontamination en guise de stage de fin d’études et ont pu passer quatre jours à la Capitainerie de la rue Hatley, qui donne accès au lac Memphrémagog via la rivière Magog.
L’intérêt de la Ville est resté, les six étudiants diplômés ont fondé officiellement leur entreprise en décembre, et ce printemps, la collaboration se poursuit à la faveur d’un projet pilote qui s’est qualifié pour une contribution financière du Programme Innovation d’Investissement Québec.
« C’est un gros projet autant pour Ozero que pour la Ville de Magog et pour plusieurs raisons, estime Olivier Liberge, cofondateur de l’entreprise. La Ville de Magog est très influente et proactive, et elle est pionnière dans la prévention des espèces aquatiques envahissantes, donc ça nous permet d’avoir de la visibilité, de mettre en action notre système et de nous faire connaître. C’est une initiative qui va peut-être générer d’autres projets éventuellement. »
Concrètement à Magog, le service mobile de lavage d’embarcations d’Ozero sera gratuit et sera offert quatre jours par semaine en alternance aux quatre rampes municipales de mise à l’eau.
L’horaire peut être consulté sur le site ozerosolutions.com et à la fin du projet pilote à l’automne 2022, les équipements demeureront la propriété de la Ville de Magog.
Éliminer les EEE
La particularité du système d’Ozero repose sur sa capacité à décontaminer non seulement l’extérieur des embarcations, mais aussi les eaux qui restent dans les ballasts, les viviers et les fonds de cale entre chaque sortie sur les plans d’eau. Le système pousse dans la tuyauterie de l’embarcation une eau chauffée à 55 degrés Celsius, qui suffit à éliminer les espèces exotiques envahissantes (EEE) en moins de cinq minutes, disent les concepteurs.
« C’est une distinction importante parce que la tuyauterie interne est responsable de 50 % de la propagation des EEE dans les lacs, explique Olivier Liberge. Ça veut dire que nettoyer l’extérieur des embarcations et la remorque, c’est comme se laver une main sur deux. C’est bien, mais pour être efficace, il faut laver les deux mains. »
Avec le financement d’Investissement Québec qui viendra compenser 50 % des coûts du projet évalués à 360 000 $, la jeune entreprise est outillée non seulement pour mener le projet pilote de deux ans, mais aussi pour développer les équipements, passer l’étape des brevets et faire des démonstrations un peu partout au Québec.
« Le but du programme, c’est d’amener l’entreprise de la précommercialisation vers la commercialisation », dit Olivier Liberge, qui a justement passé la dernière semaine en Abitibi pour faire des démonstrations auprès de municipalités et différents organismes écologiques.
Convaincue de détenir une technologie prometteuse, l’équipe d’Ozero Solutions ne ménage pas ses efforts pour se faire connaître. Et cela semble porter fruit puisque outre le projet pilote à Magog, les jeunes ingénieurs ont aussi livré cette semaine à la MRC des Sources une station de lavage qui y sera en location tout l’été pour les plaisanciers des Trois-Lacs. Et ils sont en négociation pour une installation en Beauce, au lac Etchemin.
« On commence nos démarches pour aller voir d’autres marchés hors Québec. On veut regarder les possibilités dans les autres provinces et états américains qui sont sensibilisés à la cause des EEE », annonce Olivier Liberge, qui cible en premier la Colombie-Britannique où ils ont remporté l’été dernier une compétition d’innovation dans le secteur de l’eau.
« Les commentaires sont généralement positifs pour ce qu’on propose », se réjouit Olivier Liberge, qui a opéré une station mobile le week-end dernier au lac Lovering. « Autant de la part des plaisanciers que des citoyens en général qui viennent discuter avec nous. Les gens sont contents qu’on soit là et qu’on vienne prendre soin de leur lac. On réalise que la problématique des EEE est très connue chez les riverains et de plus en plus chez les plaisanciers. Et on se rend compte qu’ils n’ont pas de problème à faire décontaminer leur embarcation avant d’aller à l’eau. »