Sabrina Savoie | La Tribune

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Une technique innovante en informatique quantique développée par un duo d’experts de l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec une équipe de l’Université de New South Wales en Australie, figure parmi les dix découvertes de l’année selon Québec Science.

Le processeur quantique conçu par Michel Pioro-Ladrière, professeur au Département de physique et directeur adjoint de l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, et son ancien étudiant au doctorat, Julien Camirand Lemyre, « ouvre la porte à l’ordinateur du futur », affirme la prestigieuse revue scientifique.

Alors que les scientifiques engagés dans la course mondiale pour concevoir le premier ordinateur quantique ont l’habitude de faire fonctionner leurs prototypes à quelques millièmes de kelvin, voilà que la découverte des deux hommes permet d’atteindre un nouveau record de 1,5 kelvin (ou – 271,65 degrés Celsius). « C’est chaud comme jamais », semble-t-il.

« D’abord, il faut comprendre que l’informatique quantique permet de résoudre des problèmes impossibles à résoudre avec des ordinateurs classiques. C’est un domaine de recherche qui bouge beaucoup, mais on est encore loin d’un ordinateur quantique universel qui peut faire n’importe quel calcul », explique Michel Pioro-Ladrière.

« Par contre, nos travaux nous en rapprochent puisqu’ils nous permettent d’opérer un processeur à des températures 100 fois plus élevées qu’à l’habitude. C’est une découverte importante puisque pour arriver à cet ordinateur quantique universel, il faudra énormément de qubits, soit l’unité fondamentale en calculs quantiques ou l’équivalent d’un transistor dans un ordinateur classique. »

Cette nouvelle découverte permet donc aux prototypes existants d’ordinateurs quantiques d’effectuer des calculs plus longs que les quelques microsecondes qui étaient la norme à ce jour.

Collaborer pour aller plus loin

En 2017, le duo sherbrookois a choisi de s’associer à une équipe de l’Université de New South Wales en Australie afin d’arriver à réaliser des calculs quantiques à des températures jamais atteintes auparavant. Des chercheurs du Japon ont également contribué à cette découverte.

Les connaissances de M. Pioro-Ladrière et de M. Camirand Lemyre en lien avec la technique de microaimants, qui permet de contrôler les qubits de spin, associées à celles de l’équipe d’Andrew Dzurak en Australie, qui conçoit de son côté des qubits de spin « de grande qualité », leur auront permis de mettre sur pied ce processeur.

« Ce n’est pas très fréquent dans le milieu », affirme Michel Pioro-Ladrière, qui rappelle à quel point la compétition est féroce dans cette course à l’ordinateur quantique universel.

« Ce qui est naturel dans notre domaine, c’est de voir des groupes théoriques s’associer à des groupes expérimentaux. Ici, nous sommes deux groupes expérimentaux, généralement en compétition, qui avons choisi d’allier nos forces pour faire avancer les recherches. C’est une collaboration très fructueuse qui est loin d’être terminée. On a besoin de plus de disciplinarité pour que ça avance plus rapidement », croit-il.

Ayant désormais obtenu son doctorat en physique, Julien Camirand Lemyre affirme de son côté avoir démarré, il y a un an, l’entreprise Nord quantique à Sherbrooke qui lui permet de collaborer aux recherches de M. Pioro-Ladrière.

« On travaille sur des technologies quantiques qui sont complémentaires à ce qui a été fait dans le cadre de ma thèse », précise-t-il.

« Ce qui est intéressant c’est que l’informatique quantique n’est plus qu’une science, c’est désormais une technologie. Il y a des compagnies dans le monde qui ont réussi à faire des calculs qu’aucun ordinateur sur la planète ne serait en mesure de faire aujourd’hui. Le rêve est un peu en train de se réaliser », conclut-il.