Roxanne Lachapelle | CScience | Lire l’article original

Alors que les preuves des retombées positives des projets d’innovation s’éclaircissent de plus en plus, nombre de PME résistent à cette vague de changement tout en peinant à garder la tête hors de l’eau. Même si le besoin d’innover est présent, les freins vers ces changements demeurent. Comment mener les PME vers l’innovation, et en quoi peut-elle leur être bénéfique ?

Le Québec connaît un retard en matière d’implantation d’innovation, même si l’expertise ne manque pas. « Le Québec est très performant en recherche et en innovation, mais moins en commercialisation. On a un travail à faire du côté de la valorisation de nos technologies et de notre expertise pour être en mesure de les commercialiser afin qu’elles puissent transcender dans le marché et ainsi aider nos entreprises à devenir plus performantes », explique Sébastien Tanguay, directeur général de l’accélérateur-incubateur d’entreprises technologiques LE CAMP.

« Il est difficile de se faire connaître dans le milieu du monde des affaires, mais c’est également difficile pour les PME de savoir ce qui existe et de connaître les innovations qui pourraient les impacter, qu’elles pourraient acheter et intégrer. » – Ghyslain Goulet, président-directeur général de l’accélérateur technologique l’ACET.

L’un des freins à cette commercialisation est que de nombreuses PME ne connaissent pas l’ampleur des solutions et projets technologiques qui s’offrent à elles, énonce Ghyslain Goulet, président-directeur général de l’accélérateur technologique l’ACET. « Il est difficile de se faire connaître dans le milieu du monde des affaires, mais c’est également difficile pour les PME de savoir ce qui existe et de connaître les innovations qui pourraient les impacter, qu’elles pourraient acheter et intégrer. »

Pour Richard Chénier, directeur général de l’incubateur Centech, il faut faciliter le contact entre les entreprises et les projets d’innovation et les mettre plus facilement sur leur radar. M. Chénier mentionne à titre d’exemple l’organisation d’activités et d’événements permettant ces rencontres.

Sans ces rapprochements et devant cette méconnaissance des solutions existantes, il est peu étonnant que tant de dirigeants ne voient pas la nécessité des projets d’innovation. Selon un sondage Léger de janvier 2023 cité dans un article de La Presse canadienne, 35% des entreprises n’ayant pas de tels projets croient ne pas en avoir besoin.

Des besoins criants

Pourtant, de nombreuses entreprises québécoises connaissent des difficultés variées (main-d’œuvre limitée, chaîne d’approvisionnement coûteuse, défi de productivité) auxquelles différentes innovations peuvent répondre. Certaines technologies peuvent notamment permettre à une entreprise d’être plus performante et à moindre coût, tant économiquement qu’environnementalement. On peut faire plusieurs économies grâce à des projets facilitant un accès à un approvisionnement local et augmentant la réutilisation des produits.

« Les enjeux de main-d’œuvre nous poussent à faire les choses autrement : à essayer d’être plus performant, à essayer d’optimiser les processus, parce que ce n’est pas un problème qui va se régler rapidement. » – Sébastien Tanguay, directeur général de l’accélérateur-incubateur d’entreprises technologiques LE CAMP

Des projets d’innovation aident aussi avec les défis de main-d’œuvre que connaissent des PME. L’optimisation, l’automatisation et la numérisation de divers processus apparaissent comme des solutions technologiques évidentes pour faire face à la crise de la main-d’œuvre qui ne se calme pas. « Les enjeux de main-d’œuvre nous poussent à faire les choses autrement : à essayer d’être plus performant, à essayer d’optimiser les processus, parce que ce n’est pas un problème qui va se régler rapidement », ajoute M. Tanguay.

Innover pour survivre

« L’innovation, parfois, ça fait peur parce qu’on pense que ça va faire perdre des emplois. Au contraire, ça va plutôt et surtout en maintenir, en plus d’améliorer la qualité de vie des employés qui disposeront de meilleurs outils pour aller un peu plus loin », lance Richard Chénier.

Sébastien Tanguay note le besoin de renforcer l’éducation et la sensibilisation auprès de plusieurs dirigeants d’entreprise qui n’ont pas forcément conscience de l’importance majeure de l’innovation pour leur compagnie. Ghyslain Goulet est du même avis : sans projets d’innovation, d’innombrables entreprises sont « condamnées à se faire dépasser un jour ». Selon lui, un changement de culture et de mentalité s’impose auprès de certains secteurs et dirigeants pour favoriser l’adoption technologique.

« Les grandes entreprises n’ont pas eu le choix de s’adapter et d’innover pour être compétitives à l’échelle mondiale, sinon elles auraient disparu depuis 25 ans. Là où c’est plus préoccupant, c’est du côté des PME qui ont plusieurs années d’existence, qui ne sont pas modernisées, qui ne sont pas à la fine pointe et qui sont plus fragiles sur le plan économique, compte tenu de leur faible niveau de productivité et d’inclusion des nouvelles technologies. » – Ghyslain Goulet, président-directeur général de l’accélérateur technologique l’ACET

« Les grandes entreprises n’ont pas eu le choix de s’adapter et d’innover pour être compétitives à l’échelle mondiale, sinon elles auraient disparu depuis 25 ans. Là où c’est plus préoccupant, c’est du côté des PME qui ont plusieurs années d’existence, qui ne sont pas modernisées, qui ne sont pas à la fine pointe et qui sont plus fragiles sur le plan économique compte tenu de leur faible niveau de productivité et d’inclusion des nouvelles technologies. »

Les projets d’innovation, une voie envisageable pour une PME ?

Mais est-ce réaliste pour les PME d’investir dans des projets d’innovation, lorsque ces dernières sont en difficulté, et que l’on sait que de tels projets s’accompagnent d’une prise de risque financier ? Plusieurs PME ne peuvent se le permettre…

« Il faut du soutien pour minimiser l’impact de cette prise de risque sur (leur) bilan financier tout en (leur) permettant de tester des innovations, pour pouvoir éventuellement les intégrer dans (leurs) chaînes d’approvisionnement. On a tout un écosystème à développer autour de ça, et on n’a pas encore les bons outils pour le faire au Québec », déplore M. Chénier.

Il estime que ce soutien peut prendre différentes formes. Le développement de « carrés de sable » pour que des entreprises puissent tester des projets d’innovation est selon lui une solution envisageable à court et moyen terme, si les écosystèmes adéquats sont mis en place. La mise en place d’un crédit d’impôt lié à l’investissement d’une entreprise dans un projet d’innovation pourrait aussi être un incitatif à ce que des entreprises cherchent davantage à intégrer des produits technologiques de startup.

L’accompagnement des PME à travers la réalisation de leurs projets d’innovation est également nécessaire selon Sébastien Tanguay : « C’est une chose de dire aux gens d’innover, mais après ça, si on ne les accompagne pas, ça devient difficile. Il faut les suivre, les accompagner dans la réalisation tout au long du processus pour s’assurer qu’on va les mettre en relation avec les bonnes personnes, qu’on va leur donner les bonnes options pour réussir, qu’on va éviter les pièges grâce à notre expertise, plutôt que de juste leur dire, ‘voici ce qu’il y a à faire’. »