Alain McKenna | Le Devoir

Lire l’article original

Qu’est-ce qui mijote dans les incubateurs montréalais de nouvelles technologies en 2021 ? Si le jeu vidéo, l’intelligence artificielle et les sciences de la vie sont toujours bien représentés, on assiste à l’émergence d’une nouvelle catégorie de jeunes pousses : les technologies de l’art.

Si les technos financières sont souvent surnommées « fintechs », dans le franglais qui caractérise si bien l’écosystème montréalais de l’innovation entrepreneuriale, les technologies associées au secteur artistique pourraient s’appeler « arttechs ».

Cette expression, de plus en plus courante dans l’industrie, fait d’ailleurs une apparition remarquée dans le palmarès des 20 start-up montréalaises à surveiller au cours de la prochaine année, selon la fondation Montréal inc.

On le constate parmi nos révélations de 2021 : les transformations engendrées par les technologies s’immiscent dans tous les secteurs, et les arts ne font pas exception », constate la directrice générale de l’organisation, Liette Lamonde.

Le palmarès des révélations

Les 20 jeunes entreprises que compte le palmarès des révélations 2021 de Montréal inc., que Le Devoir a pu consulter en primeur, forment un échantillon étonnamment représentatif de l’écosystème technologique montréalais : intelligence artificielle, jeu vidéo, sciences de l’environnement et de la vie…

Puis, il y a ces nouvelles venues qui touchent davantage au secteur artistique. « Ce sont de beaux exemples de cette force montréalaise qu’est la créativité, souligne Mme Lamonde. L’écosystème est d’ailleurs bien outillé pour appuyer les entreprises innovantes du secteur grâce, notamment, à Zú, à La Piscine et au MT Lab. »

BeatConnect : de Montréal à Nashville

Créée en pleine pandémie par deux anciens employés de Radio-Canada, BeatConnect est une étoile montante des technologies musicales. Ses deux fondateurs, Alexandre Turbide et Nicholas Laroche, ont mis au point avec leur équipe un séquenceur et un hébergement infonuagique qui permettent à des musiciens de créer ensemble… à distance.

BeatConnect a vu le jour dans l’incubateur de technologies artistiques montréalais Zú, créé à l’initiative de l’ancien grand patron du Cirque du Soleil, Guy Laliberté. La jeune pousse a aussi fait partie du Project Music and Entertainment de Nashville, le plus important accélérateur pour start-up spécialisé dans l’industrie musicale.

Sa plateforme ne compte présentement que quelques milliers d’utilisateurs, mais elle a le potentiel d’attirer au bas mot 35 millions de personnes en Amérique du Nord seulement, calcule Alexandre Turbide.

« Nous sommes une plateforme de création et de promotion de contenu qui veut aider les musiciens amateurs et indépendants, les influenceurs et les éducateurs à faire de l’argent grâce à leurs créations musicales. Il y en a beaucoup parmi eux qui recherchent une solution comme la nôtre », dit-il.

La sélection de BeatConnect parmi les révélations de Montréal inc. lui a permis de décrocher une aide financière de 20 000 $, mais la prochaine étape sera plus déterminante : l’entreprise espère boucler un premier financement d’amorçage de 2 millions de dollars d’ici l’automne.

Ses deux fondateurs s’estiment heureux d’être à Montréal. Selon eux, les technologies musicales tombent « dans les fentes du divan » du capital-risque et des incubateurs. Il existe très peu d’experts en la matière, mais on en compte quelques-uns ici. « L’écosystème commence à voir le jour et Montréal est bien présente », assurent MM. Laroche et Turbide.

Gallea : exposer à l’ère du numérique

Gallea est une autre start-up qui touche au monde de l’art. Elle a mis au point une galerie d’art en ligne nouveau genre qui fait le lien entre les créateurs, les collectionneurs et le monde des affaires. Cet hiver, l’entreprise a entre autres aidé les organisateurs du Salon de l’auto de Montréal à tenir un encan silencieux en ligne pour remplacer la soirée-bénéfice annuelle qui sert normalement d’avant-première à l’exposition automobile.

Sa plateforme Web est actuellement utilisée par 7500 artistes provenant de 37 pays. Ils peuvent mettre leurs œuvres en valeur sur Internet, mais ce qui démarque Gallea d’autres sites d’art, c’est la possibilité d’exposer ces œuvres sur de véritables murs, dans des cafés, des commerces, des bureaux ou carrément en plein air. Gallea doit d’ailleurs dévoiler dans les prochains jours un partenariat avec une municipalité québécoise pour un musée à ciel ouvert.

« C’est une bonne chose qu’on ait inventé le mot “arttech”, car quand nous avons créé Gallea en 2017, la seule catégorie dans laquelle on entrait dans les concours de start-up était “autres” », dit son fondateur Guillaume Parent. Les technologies au service de l’art tombent sous le sens, autant que celles destinées au secteur financier ou à l’immobilier, ajoute-t-il. « Les artistes aussi ont besoin d’aide et de technologies. »

Gallea a profité de la dernière année pour s’imposer comme plus grand exposant virtuel au Canada. Le nombre de ventes réalisées sur sa plateforme a été multiplié par 18 depuis le printemps 2020. L’entreprise mise sur le déconfinement qui s’amorce pour étendre son empreinte physique au-delà des « murs » où elle expose déjà à Montréal, à Toronto et à Vancouver, entre autres.

Elle compte aussi étendre son offre aux particuliers avec un service appelé Mon mur. « C’est un service-conseil en art pour habiller les murs de sa maison simplement à partir de son téléphone », dit M. Parent.

Un moyen ingénieux de faire rayonner les créations artistiques au-delà des salles d’exposition. Et d’illustrer le potentiel des technologies de l’art.