Maxime Bilodeau | Les Affaires

Au registre des pratiques de consommation nuisibles pour la planète, l’achat de produits d’entretien ménager décroche la palme. Et pour cause : la majorité des nettoyants vendus dans les grands magasins peuvent contenir jusqu’à 95 % d’eau, ce qui en fait leur ingrédient principal. Pire encore, ces produits sont commercialisés dans des contenants de plastique jetables qui, en plus d’être transportés sur de longues distances, sont rarement revalorisés à la fin de leur vie utile.

« ­Le consommateur achète de l’eau et une bouteille de plastique, point final. C’est un ­non-sens du point de vue environnemental », tranche ­Marie-Hélène ­David, fondatrice et présidente de ­Filo, une ­start-up de ­Québec qui ambitionne de régler le problème à la source. Sa solution : des pastilles à dissoudre grosses comme des 25 cents, vendues à l’unité. Offertes en quatre fragrances, elles font office de nettoyant conventionnel une fois mélangées dans un ­demi-litre d’eau. Leur production, qui recourt à l’impression numérique pour « encapsuler » la solution détergente, consommerait 100 fois moins d’énergie que celle d’un nettoyant conventionnel, selon les calculs de ­Filo.

Il aura fallu que le tuyau du lavabo de sa salle de bain perce pour que l’entrepreneure de 32 ans prenne conscience de l’occasion d’affaires. « C’était dû aux émanations toxiques de mes produits nettoyants. Cela m’a alors amené à m’informer sur la nature des ingrédients qui les composent », raconte celle qui a précédemment cofondé ­Kanevas, une entreprise spécialisée dans la conception de sacs à main sur mesure. Peu après son incident de plomberie, ­Marie-Hélène ­David a mandaté un laboratoire indépendant de la région de la ­Capitale-Nationale pour mettre au point son procédé de fabrication, lequel est frappé du secret industriel.

Lancé en avril dernier, ­Filo n’a pas souffert de la pandémie. Bien au contraire : la jeune pousse de trois employés a le vent dans les voiles. Elle a notamment multiplié sa présence dans les épiceries zéro déchet et les pharmacies du ­Québec – elle devrait y atteindre le seuil des 200 points de vente d’ici la fin 2020. C’est néanmoins le commerce en ligne qui alimente sa croissance de 50 % par mois. « ­Nous réalisons 60 % de nos ventes par l’entremise du ­Web. Comme notre produit se glisse aisément dans une enveloppe, nous économisons sur les frais d’expédition », indique la présidente fondatrice.

Filo compte déployer de vigoureux efforts de marketing au cours des prochains mois. Le temps presse : les ­Procter & ­Gamble et autres ­Johnson & ­Johnson de ce monde ne se laisseront pas tirer la couverte de sous les pieds. Ses principaux compétiteurs l’auraient d’ailleurs à l’œil. « ­Nous entrons dans la phase d’évangélisation des consommateurs, constate ­Marie-Hélène ­David. Ma mission, à titre d’entrepreneure, est de leur apprendre à consommer différemment un produit de tous les jours sans se casser la tête. »