Émilie Parent-Bouchard | Les Affaires | Lire l’article original
Faire économiser plus d’un milliard de dollars en soins de santé à l’Amérique du Nord ? Voilà le pari audacieux de l’entreprise en démarrage EncephalX, basée à Sherbrooke, qui propose une solution unique aux personnes devant être opérées d’urgence à la suite d’un traumatisme crânien.
Lorsqu’il a entrepris des études en génie mécanique, Simon Lapointe était loin de se douter que ses études le mettraient sur le chemin de l’entrepreneuriat. Et encore moins sur celui de la neurochirurgie. Mais les nombreux stages qui ont ponctué son parcours — développement d’un tissu pour lits de camp utilisés lors de crises humanitaires, maison à faible empreinte écologique et écoénergétique, entre autres — sèment chez lui le goût d’un entrepreneuriat au service du bien commun.
« Je ne pensais pas être fait pour la recherche. Je n’étais pas un premier de classe. J’ai eu de supers bons stages dans des belles entreprises, mais on dirait qu’il manquait toujours quelque chose, dit-il. Je ne me voyais pas finir mon bac et retourner cogner à une porte pour y travailler. »
Finalement, la motivation de participer à un projet bon pour la communauté l’a poussé à aller chercher les connaissances supplémentaires dans le domaine médical.
Une medtech « simple » d’utilisation
Son dernier stage au baccalauréat le met sur la piste du traumatisme crânien. De concert avec la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et le Dr Christian Iorio-Morin qui a mis sur pied des stages coopératifs avec la Faculté de génie pour résoudre des problématiques vécues en milieu hospitalier, il cherche à développer une solution technologique dans le but d’éviter une deuxième chirurgie chez les patients qui ont subi un violent choc à la tête au cours d’un accident de voiture ou d’une chute.
« Les neurochirurgiens doivent pratiquer ce qu’on appelle la craniectomie décompressive, explique Simon Lapointe. Ils retirent le volet osseux et le mettent dans un congélateur pour permettre au cerveau d’enfler.» L’entrepreneur a dû se familiariser avec les protocoles médicaux liés à cette chirurgie pour proposer une «plaque de fixation crânienne dynamique» qui fonctionne selon le principe de «l’origami».
Cet implant, qui permet au volet osseux de retrouver son emplacement initial en même temps que le cerveau retrouve sa taille normale, fait économiser les frais liés à une longue hospitalisation ainsi qu’à une deuxième chirurgie autrement nécessaire pour le remettre en place. Son fonctionnement a pu être testé sur des cadavres à disposition de la Faculté de médecine. «On a totalement dépassé les attentes des professionnels», assure-t-il.
Cette innovation s’est d’ores et déjà transportée jusqu’en Colombie-Britannique grâce au bouche-à-oreille. La communauté réduite des neurochirurgiens attend le produit avec impatience, précise Simon Lapointe, même si des essais cliniques doivent être menés en 2025 en vue d’une commercialisation l’année suivante. «Pour le Québec et le reste du Canada, on parle d’une quinzaine de milliers de dollars en coûts directs pour cette deuxième intervention. Et aux États-Unis, ça peut représenter jusqu’à 60 000 dollars. En Amérique du Nord, on parle de frais directs qui dépassent un milliard de dollars en soins de santé», évalue-t-il, notant que bon an mal an, 6 personnes sur 100 000 habitants doivent recevoir cette intervention au Québec, selon les données qu’il a obtenues.
Le coup de pouce de l’incubateur
La simplicité d’utilisation et le fait qu’aucune solution similaire n’existe présentement sur le marché distinguent cette innovation des autres medtech, souvent orientées vers l’intelligence artificielle et l’exigence corollaire de recueillir et de gérer une multitude de données. En attendant la commercialisation d’EncephalX, une première campagne de financement a permis de recueillir l’argent nécessaire aux processus d’homologation en cours dans les législations canadiennes et américaines — une somme «dans les sept chiffres», indique Simon Lapointe.
L’accélérateur d’entreprises technologiques basé à Sherbrooke (ACET) devrait faciliter ces processus, en plus de donner accès à des ressources et à un réseau de professionnels, assure Simon Lapointe. «Je ne suis vraiment pas un one-man-show, insiste-t-il. Comptabilité, recherche de financement, protection de la propriété intellectuelle et domaine légal, marketing, ressources humaines : ce que l’incubateur nous permet, c’est d’avoir accès à des coachs de divers domaines. On a aussi accès à des bureaux, donc ça permet de bâtir notre équipe, d’acheter de l’équipement», énumère-t-il.
Et de trouver du temps pour songer à d’autres solutions innovantes à la frontière du génie et de la médecine. «On a déjà un pipeline de produits qui ont été discutés et proposés par des neurochirurgiens. On veut que notre premier produit permette de financer le développement d’autres produits» laisse-t-il tomber, lorgnant déjà du côté des soins pédiatriques…