Alain McKenna | La Presse

En voiture, il n’y a pas que les écrans qui soient tactiles. Plus d’un constructeur a troqué les touches physiques et les interrupteurs en tout genre contre des surfaces tactiles légèrement texturées, qui simplifient l’assemblage, mais qui créent plus de distraction pour le conducteur. La société Boréas Technologies, de Bromont, a la solution à ce problème.


Boréas Technologies est une petite entreprise fondée en 2016 par Simon Chaput, fraîchement rentré de Harvard après avoir terminé des études doctorales portant sur l’électronique et les semiconducteurs. En tentant de créer une solution de refroidissement pour les systèmes informatiques qui serait moins énergivore que ce qui était déjà sur le marché, M. Chaput a mis au point un système piézoélectrique capable d’alimenter un « dispositif haptique », qui produit divers types de vibrations quand on le touche, et dont le format n’est pas tellement plus gros qu’un grain de riz.

Pensez aux vibrations émises par le contrôleur de jeu vidéo de votre console de salon, ou au déclic émis par votre téléphone intelligent quand vous le déverrouillez avec l’empreinte de votre pouce. Ce sont deux exemples d’interface haptique, une technologie qu’on trouvera de plus en plus en voiture et qui risque de la rendre un peu plus simple à utiliser. Ce serait toute une révolution, car pour le moment, les surfaces tactiles en voiture ont surtout créé plus de distraction qu’autre chose… Après tout, il est difficile d’interagir avec un écran de verre tout lisse sans y jeter un coup d’œil. Alors qu’une bonne vieille radio d’auto à six boutons, on peut la commander les yeux fermés (ce qu’on ne recommande pas pour autant !).

Un volant qui vibre ?

« En conduisant, nous sommes déjà surchargés visuellement, alors la rétroaction haptique devient très attrayante pour les constructeurs d’automobiles qui veulent alerter le conducteur autrement que par le regard », explique Nicolas Duchesne-Laforest, directeur du marketing pour Boréas Technologies. Selon lui, en plus de l’affichage tête haute, qui envoie des signaux lumineux en les projetant sur le pare-brise, on pourrait bientôt recevoir des signaux vibratoires à travers le volant ou les sièges de son véhicule.

« Les constructeurs ont compris que ça ajoutait une valeur évidente aux yeux des utilisateurs », assure M. Duchesne-Laforest. Certains véhicules du groupe General Motors intègrent déjà une technologie similaire dans les sièges et le volant, mais les véhicules électriques feront exploser son utilisation, pour interagir plus directement avec leur conducteur.

D’ici 2023, la valeur de tous les composants d’automobiles susceptibles d’intégrer une rétroaction comme celle développée à Bromont pourrait doubler, passant d’un peu plus de 11 milliards US à 23 milliards US, selon la firme Market Research Future.

L’objectif de Boréas est de prendre une part importante de ce marché. « C’est pour ça qu’on se concentre principalement sur le secteur automobile, pour commencer. On parle directement à des constructeurs, ainsi qu’à des équipementiers tant en Chine qu’en Amérique du Nord », dit M. Duchesne-Laforest.

Déjà, la jeune pousse estrienne de 10 employés s’est entendue avec le japonais TDK afin de produire un dispositif haptique qui pourra être intégré à divers endroits dans l’habitacle des futures automobiles. Le jeu vidéo, les vêtements connectés et divers équipements industriels sont aussi dans la ligne de mire de Boréas et de TDK. D’autres entreprises, comme Texas Instruments, Panasonic et l’équipementier allemand Bosch, ont des technologies similaires en développement.

En d’autres mots, on n’a pas fini de voir de nouvelles sources de distraction faire leur apparition dans les automobiles. Mais si l’utilisateur peut les commander sans quitter la route des yeux, au moins, elles seront un peu moins embêtantes que les surfaces tactiles qu’on trouve partout dans le marché automobile. Et c’est justement ce que promet la technologie, comme celle mise au point par Boréas Technologies à Bromont.