Alain McKenna | Le Devoir | Lire l’article original
C’est ce qui s’appelle un déclic majeur. Le fabricant de Bromont Boréas Technologies annonce jeudi matin avoir bouclé un financement de 12 millions de dollars pour décupler la production de ses semi-conducteurs, très prisés aussi bien dans l’électronique personnelle qu’à bord des automobiles.
Boréas a mis au point, depuis sa fondation en 2016, une technologie tactile haptique capable de reproduire au contact du doigt le déclic d’un bouton interrupteur ou de simuler la résistance d’un ressort derrière une gâchette. Imaginez une manette de la console PlayStation 5 de Sony, mais en mieux, illustre son p.-d.g., Simon Chaput. Ou le bouton latéral d’un téléphone intelligent qui agit comme l’obturateur d’un appareil photo professionnel. Tout ça, sans aucune pièce mécanique.
« Dans l’auto, on se situe au niveau des commandes au volant ou sur le tableau de bord », poursuit le doctorant de Harvard. « Des constructeurs préfèrent des surfaces lisses et solides, auxquelles ils ajoutent un module haptique comme le nôtre pour améliorer l’expérience. On peut créer un déclic, mais on peut aussi moduler pour recréer un déclic double ou une résistance. Et ça tient dans un assez compact pour tenir dans un téléphone. »
12 millions
C’est la somme que Bromont Boréas Technologies a récoltée auprès d’investisseurs locaux et étrangers, dont Desjardins Capital et Exportation et développement Canada. Elle lui permettra d’augmenter la cadence à quelques dizaines de millions d’unités par an, probablement à partir de 2025.
Cette technologie est nichée. Quiconque a pris place à bord d’une voiture récemment (ou tapé de l’index sur le pavé tactile d’un ordinateur portable) comprend qu’elle est très populaire ces jours-ci dans tout ce qui ressemble de près ou de loin à une interface informatique. Elle remplace à peu de frais des composants mécaniques fragiles, moins durables et plus encombrants.
Tous les plus grands noms du monde de la mobilité — Apple, Nissan, Sony… — ont recours pour leurs produits à une technologie similaire à celle de Boréas.
Comme les autres équipementiers, la PME d’une cinquantaine d’employés de Bromont ne peut pas divulguer à qui, parmi ces grands fabricants, elle vend ses composants. Ce qu’elle peut dire, par contre, c’est qu’elle travaille avec des marques parmi les « cinq ou six » plus connues du marché du sans-fil, de l’informatique personnelle et de l’automobile.
Elle a produit jusqu’ici pour ses clients quelques centaines de milliers d’exemplaires de semi-conducteurs haptiques. Les 12 millions de dollars qu’elle vient de récolter auprès d’investisseurs locaux et étrangers, dont Desjardins Capital et Exportation et développement Canada, lui permettront d’augmenter la cadence à quelques dizaines de millions d’unités par an, probablement à partir de 2025.
Bromont, Californie, Asie
L’année 2023 a été très occupée pour Boréas, qui a commencé l’année en visitant le Consumer Electronics Show de Las Vegas, où elle espérait décrocher quelques nouveaux clients. L’entreprise a ensuite conclu une entente avec un sous-traitant de composants informatiques associé de près aux marques Dell, HP et Lenovo. Ça a aidé à faire bondir ses revenus depuis le début de l’année de plus de 300 % par rapport à 2022.
Et 2024 s’annonce plus occupée encore, selon Simon Chaput, qui confirme l’embauche de deux nouveaux dirigeants établis en Californie et en Asie et dont le mandat sera de représenter Boréas dans ces deux marchés. Ce sont les deux endroits les plus névralgiques sur la planète pour des technologies comme la sienne.
Et pourtant, la firme affiche fièrement ses racines… estriennes. C’est que Bromont ambitionne de s’imposer comme le pôle nord-américainde la fabrication de semi-conducteurs et d’autres composants électroniques. On y trouve déjà une usine d’IBM, et d’autres pourraient s’ajouter prochainement. De son côté, Boréas s’est installée à ses débuts dans les locaux du Centre de collaboration MiQro Innovation (C2MI), un important incubateur pour systèmes électroniques lui aussi établi à Bromont.
Simon Chaput reconnaît aujourd’hui l’importance d’avoir obtenu un tel coup de pouce pour lancer son entreprise. « Le C2MI est une des raisons pour lesquelles nous sommes installés au Québec », dit Simon Chaput. « Il permet à de nouvelles entreprises d’accéder à des infrastructures qui sont à la fine pointe. À mesure que des entreprises comme Boréas vont s’établir à Bromont, ça va créer un écosystème de plus en plus durable. »
En tout cas, ça a permis à Boréas d’être présente dans des appareils électroniques grand public qui sont vendus partout dans le monde… y compris au Québec.